La sauvagière

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Premier roman de Corinne Morel Darleux, militante éco-socialiste qui vit et écrit au pied du Vercors.
Étrange récit sans paroles où 3 femmes partagent leur quotidien dans une maison au coeur des montagnes et de la forêt, on ne sait pas où, on ne sait pas quand. Si la vie réaliste, urbaine, est présente par l’intermédiaire de la narratrice et est vécue comme agressive et aliénante dans ses conditions de travail, dans cette maison, tout est perçu par les sens. D’apaisant, ce milieu peut s’avérer intrigant, fascinant, repoussant, inquiétant … On évoque ces 3 femmes à travers ce qu’elles mangent, ce qu’elles ramènent du dehors, à travers leurs déplacements comme des animaux face à leur proie… Elles sont animales, insectes, kaléidoscope de sensations, sauvages, mystérieuses, insaisissables comme si l’humain était un élément minuscule de l’univers, se réincarnait en animal ou végétal comme dans le bouddhisme. Et si ce récit n’était qu’une manière de nous interroger sur notre relation au monde, sur notre place dans l’espace et le temps. Ces femmes sont des archétypes d’êtres vivants qui perçoivent le monde à travers le prisme de leurs sens, de leur corps, de leurs émotions, de leurs expériences vécues et comme l’autrice ne veut pas perdre trop son lecteur, elle construit de manière romanesque et vraisemblable des traumatismes à ses héroïnes comme un accident et ses séquelles, la folie… Une langue poétique où la nature investit les interstices, une langue qui fait exister la palpitation des corps au contact de la nature, mais peut-être aussi factice, trop travaillée. Original et intrigant… mais pas convaincue.
Je ne sais plus si je dois me fier à mes sens. Mon cerveau m’apparaît comme une masse spongieuse dont je dois me défier, un auxiliaire douteux qui reconstitue sa propre réalité à partir des observations que je lui transmets mais aussi de ce qu’il imagine percevoir. Mes yeux, je le sais, ne capturent que des fragments partiels, de courtes séquences du réel qui créent l’illusion de la continuité ; lui, les extrapole et les mélange à des bribes de fiction, rêves et souvenirs tronqués, pour se créer le nid qui va constituer son idée du monde, sa normalité. Dès lors, tout devient sujet à mirage et duperie. Surtout ici.


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